þ Quelque chose à ajouter ? ft William C. Gardner

Samedi matin, jour de réunion. Barbant, mais obligatoire. Et qui étais-tu pour ne pas respecter tes devoirs envers ton clan ? De toute manière, tout le monde y allait et les absents se feraient taper sur les doigts. Cela t’importait guère au final, et peut-être qu’un jour tu « oublieras » qu’il y avait rassemblement ce jour. Vous aviez accaparé un amphithéâtre afin que tout le monde puisse prendre part aux échanges qui auraient lieu. Tu t’étais mis vers le milieu d’une des rangées, ni trop loin, ni trop près. La place idéale pour qu’on ne vienne pas t’embêter si tu finissais par tomber de sommeil.

Depuis une bonne heure maintenant, les plus hauts placés faisaient le bilan du trimestre, félicitant ceux qui avaient fourni du bon travail, mettant en garde les plus fainéants, encourageant le reste. Viendrait bientôt le moment d’aborder les projets pour la suite, et rien qu’y penser de donna l’envie irrépressible de bailler.

« C’est chiant. » finis-tu par lâcher, peut-être un peu trop fort.

Certaines personnes se tournèrent vers toi et te regardèrent d’un air hautain qui te fit lever les yeux au plafond. Si seulement il se déroulait quelque chose d’intéressant dans ce foutu rassemblement. En reportant ton regard sur l’assemblée, tu te promis de ramener un bouquin la prochaine fois, histoire de passer le temps. Au même moment, tes pupilles croisèrent celles moqueuses de Billy. Assis un peu plus loin que toi, il te regardait avec un fin sourire sur les lèvres qui te donnait envie de lui élargir à l’aide d’un couteau. Sûrement que te remarque avait été surprise par plus de gens que prévu.

« Un problème, Gardner ? » lanças-tu à voix haute sans te souiller des chut  qui venaient d’un peu partout, t’intimant de te taire, ce que tu ne comptais pas faire. Après tout, tu venais tout juste de trouver quelque chose d’intéressant à faire pour faire passer le temps.

Quelque chose à ajouter ?

      William retint de justesse un bâillement lorsque son regard croisa celui d'un de ses aînés - un vieillard aux cheveux bien trop longs et au nom interminable, qu'il se plaisait à surnommer Gandalf. Pas que ça sonnait franchement mieux, mais il était toujours amusant de l'imaginer utiliser sa canne pour autre chose que marcher. Cette pensée lui arracha un petit sourire - et il récolta en retour une œillade noire du vieux. Restez concentré  ! Il avait compris le message, mais ça restait bien plus facile à dire qu'à faire.

Une heure - cela faisait à peine une heure que la réunion trimestrielle avait commencé et que les intervenants s'enchaînaient - jetant des fleurs aux uns et aux autres tout en les étouffant de vieux proverbes, injonctions et autres adages. Passionnant : allez, il leur maintenant restait quoi.. Quatre heures à essuyer de nouvelles remontrances - pas différentes de celles de la dernière fois ?

William possédait un certain déficit de l'attention - ou plutôt, une sensibilité accrue vis-à-vis de ce qui se faisait appeler ennui. En d'autres termes, il lui était impossible de rester concentré une matinée entière devant les élucubrations des chefs de son clan. Certes - en sa qualité de fils d'une grande famille de Whitestone, le Gardner connaissait l'importance de ces meetings et de sa présence ici - mais diantre, c'était tout de même...-

« C’est chiant. »

Il arqua un sourcil en entendant cette phrase qui, tout droit sortie de son esprit, semblait faire son petit effet sur les personnes avoisinantes. Billy n'était pourtant pas l'objet de ces nouvelles réprimandes - non, celui-ci se trouvait à quelques sièges à peine de sa position.. Et ne paraissait pas le moins gêné par la situation.

Un sourire amusé prit possession des lèvres du Whitestone lorsqu'il reconnut la tignasse mal peignée. Ryan Calvin - il aurait du s'en douter. Dans le genre téméraire et un peu trop honnête, on ne faisait pas mieux.

« Un problème, Gardner ? »

Oh, Ryan l'avait donc également repéré. C'était, de mémoire, la première fois qu'il le croisait d'ailleurs durant ce type de conventions - il fallait dire que le placement de Billy était des plus inhabituels. Il aurait du être comme à l'accoutumée aux premières loges - dans un des trois balcons les plus proches de l'estrade, aux côtés de son père - si un empêchement n'avait pas retardé de son arrivée. Tant mieux - ça lui donnait l'occasion de vaquer à d'autres occupations ; comme détailler les visages de son nouvel environnement - ou encore, pourquoi pas, s'engager dans une petite discussion rythmée.

Le Gardner envoya un regard désolé aux quelques personnes ayant pris la peine de de se retourner vers le brun ; ils n'avaient pas besoin d'un auditoire supplémentaire, n'est-ce pas ?

« Mhh.. », il secoua la tête en ne départant pas de son sourire. C'était ça qui était magique - ce simple geste suffisait le plus souvent à échauffer ses vis-à-vis en rogne ; pas besoin de plus.

« Je trouve simplement dommage que tout le monde ne juge pas utile d'écouter les complaintes de nos aïeux.  »

Sa voix était plus basse que celle de son désormais-interlocuteur - il était inutile de rameuter plus de monde. Et si Whitestone curieux il y avait, William voulait s'assurer que rien ne vienne entacher sa réputation.

L'attention du Garner se porta de nouveau faussement, sur la tribune - diantre, il ne connaissait pas un seul des patronymes des vieillards secouant les bras, avant de s'attarder sur l'espace où se trouvaient ses géniteurs. Il remarqua que Gandalf relevait péniblement les mains - le geste était long et pénible - mais Billy sut où il allait en venir.

Il était donc temps. William se redressa donc et joignant ses phalanges, se mit à applaudir chaudement les paroles de ses ancêtres. Son timing était parfait - puisque ses voisins de derrière se mirent à l'imiter - louant oralement cette fois-ci les mérites de leur camp.

Une heure était passée - n'en restaient plus que quatre.

Codage par Libella sur Graphiorum

« Un problème, Gardner ?
- Mhh... Je trouve simplement dommage que tout le monde ne juge pas utile d'écouter les complaintes de nos aïeux. » répondit William, un ton plus bas que toi.

Tu lâchas un petit ‘tcheu’ presque méprisant, un sourire au coin des lèvres. C’était dommage, en effet, de n’éprouver aucun intérêt à écouter un groupe de vieux enchanteurs parler de choses bien inutiles pour un rassemblement de cet ampleur. Déjà une heure, mine de rien… Comment pouvaient-ils trouver assez de mots pour permettre à cette réunion de s’éterniser ? Avec un peu de volonté, elle durera même plus longtemps que prévu. Tu trouvais ça dingue de pouvoir élonger un sujet à l’infini, comme un long élastique qui ne se déchirerait jamais.

Posant ton coude sur ton genou, la tête supportée par la paume de ta main, tu ne pris pas part à la petite séance d’applaudissements auxquels s’adonnaient les autres pour témoigner leur attention et leur accord aux supérieurs. Tous des lèche-culs.

Tu lorgnas la foule qui se calma lorsque le barbu attitré de l’assemblé secoua ses bras dans les airs pour qu’ils arrêtent leurs clameurs. Il était de loin celui qui s’agitait le plus, remuant son corps dans tous les sens comme un sachet plastique malmené par le vent. Sa respiration sifflante allait de pair avec son visage rougi, signe qu’il était déjà à bout alors que la réunion avait tout juste commencé. Tout est relatif.

« Je me demande bien ce qu’on peut tirer d’intéressant de tels bavardages. Sera-t-on amené à nourrir ce genre de débat, lorsqu’on sera vieux, chauves et barbus ? »

Bien qu’ayant posé la question, tu ne voulais pas trop y penser. Tu étais plus porté sur le présent que sur l’avenir, à vrai dire. Vivre aujourd’hui, ne pas penser à demain. Ce qui est loin finira par nous atteindre de toute façon, vu que les humains étaient tous des aimants à problèmes. Il suffisait d’être patient.

« Au fait, William, c’est la première fois que tu nous honores de ta présence ici si je ne m’abuse, puisque d’habitude il me semble que tu as l’immense privilège de siéger aux côtés de ton père dans les balcons, non ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé pour te joindre à nous ? »

Cette fois, tu t’étais exprimé plus bas, car ta voisine commençait réellement à te courir sur le haricot en faisant ses raclements de gorge à chaque fois que tu élevais un peu la voix. Cela devenait désagréable et l’envie de lui demander si elle voulait un bonbon pour la toux titillait tes lèvres, mais cela t’aurait sûrement valu un regard outré de la fautive.

Plus bas dans l’assemblé, les vieux commençait à parler stratégie politique, un autre grand thème de la matinée, le deuxième d’une belle brochette. Et déjà une heure sur les cinq prévues étaient écoulées.

Quelque chose à ajouter ?

       « Je me demande bien ce qu’on peut tirer d’intéressant de tels bavardages. Sera-t-on amené à nourrir ce genre de débat, lorsqu’on sera vieux, chauves et barbus ? »

La voix placide de Ryan tranchait avec l'euphorie de l'auditoire qui achevait peu à peu ses acclamations. Pourtant, ce fut comme si sa remarque passa inaperçue - il n'y eut ni sifflement, ni tête retournée : rien. Etrange, mais cela valait mieux pour lui. William lui jeta un bref regard entendu avant de croiser les bras sur sa poitrine. Lui non plus, à vrai dire, ne pouvait rien répondre à cela.

Ses sourcils s'étaient tout de même froncés. La perspective de perdre jeunesse et toison dorée ne l'enchantaient déjà pas, mais il savait qu'un jour il aurait effectivement à prendre part à ces bavardages. Et assez activement qui plus est, s'il ne souhaitait pas entacher l'honneur de sa famille. Héritier des Gardner, il aurait un jour à imiter son père en s'intéressant à la politique et peut-être même, qui sait, à se tenir debout sur la tribune.

Brr. Que ce moment arrive le plus tard possible.

Mais un type comme Ryan Calvin ne pouvait pas comprendre cela. Son ascendance n'était pas mauvaise, mais elle n'était pas assez ancienne pour qu'on lui ouvre les coulisses de la scène. Ce qui n'était malheureusement pas le cas de William qui ne serait pas libéré de son devoir à l'issue du meeting, non - il aurait encore à saluer vieux barbus et autres prépondérances des Whitestone. Un pur régal. Ryan n'avait pas idée de ce à quoi il échappait.

« Au fait, William, c’est la première fois que tu nous honores de ta présence ici si je ne m’abuse, puisque d’habitude il me semble que tu as l’immense privilège de siéger aux côtés de ton père dans les balcons, non ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé pour te joindre à nous ? »

La question du nécromancien ne le surprit qu'à moitié. Sa language châtié lui arracha même un sourire : c'était du Thor tout craché, rien - pas même le plus insignifiant des détails, ne lui échappait. Et il n'y avait pas moyen qu'il puisse y répondre crûment, ils le savaient tous les deux.

« Un empêchement de dernière minute ; ça ne pouvait pas attendre, il se racla doucement la gorge avant de continuer, à voix basse. Certains impératifs ne tiennent malheureusement pas compte de mon agenda..  Et je sais faire profil bas quand je ne suis pas à l'heure. »

Rien de ce qu'il avançait là n'était faux. Billy ne put d'ailleurs réprimer un sourire en songeant à son urgence. Il avait beau chercher dans l'assemblée, il ne la voyait toujours pas. Dommage pour elle - il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ne se fasse pas trop taper sur les doigts à son réveil.

Le Gardner n'aurait, quant à lui, rien à craindre des représailles - il lui suffirait de se glisser à la fin du discours près de l'escalier pour attendre l'arrivée de son père et reprendre ainsi ses habituelles mondanités. Ryan l'ignorait encore, mais sa présence ici se trouvait être bien heureuse. Quoi de mieux, en effet, que de prétexter avoir suivi un ami de longue date dans la foule ?

Aussi, quand de nouveaux applaudissements fusèrent de toute part - suivis par ce qui s'annonçait être une standing-ovation, William fut ravi de profiter de l'agitation pour s'approcher du brun. Les rangs du fond étaient desserrés - et s'il ne parvint à trouver une place juste à côté, le Whitestone se contenta d'être simplement un peu plus près.

Son arrivée ne manqua pas d'être accueillie par le regard noir d'une enchanteresse. Les lèvres pincées, le visage blafard, elle gagnerait à passer plus de temps en dehors des assemblées.

« Consternant, cette recrudescence des Dirarys au Nord de la ville, commenta le pharmacien en reportant son attention sur l'estrade. »

Dieu merci - elle finit par en faire de même.

Codage par Libella sur Graphiorum