þ Haïr quelqu'un c'est éprouver un intérêt à ne pas le considérer comme insignifiant {Penelope Calvin}

Si le ciel avait pu se teinter de noir ce jour-ci, cela aurait été perçu comme un des signes pré-apocalyptiques dignes des plus grands films de science fiction, voire même de la Bible. Malgré tout, il s'était arrêté au stade de l'accumulation de cumulonimbus sombres et compacts, qui flottaient étrangement au dessus de la petite bourgade d'Elyas, menaçant d'y déverser un flot de pluie et des éclairs à tout va.

Ce temps s'accordait assez avec ton humeur courroucé qui plombait l'ambiance autour de la table de la cuisine où ta famille et toi étaient attablés. En face de toi, Penelope, ta chère jumelle, te lançait un regard réprobateur car elle te savait responsable des caprices de la météo du jour. Tu l'ignoras simplement et ta fourchette grinça sur la porcelaine de ton assiette quand tu tentas de piquer rageusement un morceau de viande. Ta mère grimaça et ton père réprima une remarque, visiblement agacé de ton comportement.

Mais après tout, ce n'était pas ta faute si ils avaient tous approuvés la venue du fiancé de Penelope, Lior, tout le week-end. Oui, tout un long week-end, tu devras te coltiner cette rature, ce fils à papa que tu détestais tant. Tu seras obligé de le cotoyer et de faire bonne figure devant lui, sinon tu seras punis. Et tout le monde sait qu'un Dieu, ça ne se fait pas punir. Oh que non.

« Ryan, arrête de te comporter comme un enfant. Lior passera la fin de semaine avec nous, que cela te plaise ou non. » intervint finalement ta mère.

Tu roulas des yeux et émis un soupir d'agacement. Voilà qu'on prenait sa défense maintenant.

« Et pourquoi elle ne va pas chez lui, plutôt ? » demandas-tu dans l'unique espoir, certes vain, qu'on comprenne enfin ton désir.

En face de toi, Penelope semblait sur le point de piquer une crise de colère hors normes.

Eh bien, en voilà une bonne. Voilà qu'elle se croyait tout permis, ta chère sœur. A sa misérable attaque, tu ne réagis guère et tu te contentas de la fixer avec encore plus de colère que d'ordinaire. Si elle voulait jouer, tu savais qu'elle ne gagnerait pas. Entre vous, votre mère s'égosillait pour que vous vous arrêtez de vous disputer, mais aucun de vous ne lui prêtait la moindre attention, trop concentrés à vous fusiller du regard.

Les coudes sur la table et les doigts croisés devant ton visage fermé, tu laissais couler l'eau qu'on t'avait lancée le long de tes cheveux et de ton visage sans chercher à l'essuyer, au contraire. Elle humidifia bientôt le col de ta chemise ainsi que le pull que tu avais enfilé au-dessus. Tu attendais patiemment, le regard dur, que l'eau te recouvre au maximum, sans esquisser le moindre geste et sans dire le moindre mot.

Le repas était fichu, à coup sûr. La saute d'humeur de ta sœur avait trempé le continu de ton assiette et avec lui le reste de la table. La carafe, renversée, gisait au milieu des plats, étalant le reste de l'eau qu'elle contenait sur la table. Penelope, qui s'était levée pour espérer te dominer, maintenait ses mains fermement appuyées de part et d'autre de son assiette pour se donner un air assuré. Cela te fit sourire bizarrement, car déjà dans ta tête s'était formée une idée qui lui ferait regretter son geste.

« Ne t'a-t-on jamais appris à ne pas jouer avec l'eau, Penelope ? C'est du gaspillage. » commentas-tu en te redressant sur ta chaise.

Ta sœur ne fît pas le rapprochement entre cette remarque et toi. Ou du moins, pas assez vite. Tant pis pour elle. Au moment ou tu posais un doigt sur le chemin formé par l'eau sur la table, il était déjà trop tard.

« De plus, si tu avais suivi les cours, ou même si tu avais eu un tant soit peu de culture générale, tu aurais su que l'eau conduisait l'électricité. »

Ce deuxième indice fît son chemin dans la tête de la brune, tu le vis à l'expression surprise qu'elle aborda une demi-seconde avant l'impacte. Néanmoins, c'était une demi-seconde de trop, car déjà, une décharge électrique s'élançait depuis ton doigt, se propulsant à toute vitesse dans la flaque formée par l'eau pour rejoindre Penelope à l'autre bout de la table.

La décharge n'était pas forte, bien sûr. Cependant elle était assez puissante pour abasourdir ta sœur, qui sursauta en la recevant avant de s'écrouler sur sa chaise lamentablement. Un sourire satisfait aborda des lèvres, et tu te levas à ton tour de ta chaise pour quitter la table.

« La prochaine fois, tu te comporteras plus dignement, sale mioche. » fis-tu en reprenant ses propres mots.