Madeline Bacall
Je m'impose en tant que
Madeline Bacall. Mon nom de famille laisse prétendre que je suis de classe
pauvre et je ne le nierai pas. Après tout, ce dernier me suit depuis mes
vingt années. Sachez que je suis
célibataire, mais que cela ne m'empêche pas d'
exercer mon métier de pâtissière. J'appartiens à la famille
Dirarys.
« Il n'y a pas de lumière sans ombre »
Madeline, avec ses grands yeux verts, sa carrure frêle et sa tignasse mal peignée, on se plaisait à l'appeler Maddy. C'était mieux comme ça d'ailleurs - plus simple, plus court,
plus joli. Délicate, elle était de celles qui répondaient toujours aux sollicitations avec entrain, avec une sincérité que l'on ne saurait contrefaire. Cette innocence, cette pureté - cette clarté que chaque enfant tenait de l'enfance, Maddy avait su la préserver des méfaits du temps. C'était comme cela - non, c'était
pour cela qu'on l'aimait.
Alors si elle avait mal tourné, si elle s'était laissée corrompre par la noirceur, ça n'était que de la faute de sa mère. Une fois de plus.Il se dit maintenant que Madeline n'est plus la même, que sa jolie frimousse s'est glacée, que son âme s'est noircie. On raconte qu'elle se serait perdue, abandonnant son sourire bienveillant et l'éclat de ses yeux au profit de la malice.
Poor little thing. Pourtant, Maddy ne regrette aucunement son choix. L'image que lui renvoie le miroir n'est pas différente de celle d'il y a quatre mois : il s'agit toujours d'elle : de son reflet, de ses pensées et de ses craintes. Elle n'est pas plus grande, pas plus forte - pire que cela, la glace continue de lui renvoyer ses défauts à la figure : trop craintive, influençable, pas assez sensible,
égoïste.
Rien, strictement rien n'a changé depuis sa conversion dans l’obscurité - et c'est ce qui l'effraie autant.
Maddy refuse encore de le reconnaître, mais elle n'est pas tout à fait l'innocence que l'on se plait à dépeindre :
effroyablement rancunière, son cœur nourrirait depuis longtemps un bien sombre dessein..
«
Dis Maman.. »
Les mots restèrent étouffés dans la gorge de la fillette. La porte de la chambre avait été mal fermée et à travers l’entrebâillement de celle-ci, au pied du grand lit, se trouvait une silhouette accroupie – voûtée. Dévastée. Elle lui tournait le dos, l’enfant ne voyant qu’une cascade de cheveux familière tressaillir à chaque nouveau sanglot, mais le mal avait été fait.
Ce visage meurtri – déformé, souillé par les larmes et la rage ; ces yeux rouges – gonflés, vitreux - ayant perdu toute leur douceur, le pli terrible de
ses lèvres : trop tard, Madeline les connaissait déjà. Maman ne sortait pas beaucoup de la maison et quand elle le faisait, son pas était toujours trop vif - bien trop rapide pour permettre à ses petites jambes d'être à ses côtés. La raison de ses crises, de ses pleurs lui échappait alors encore - après tout, le regard pur d'un enfant le préserve toujours des médisances et dangers du monde l'environnant.
Alors, sur la pointe des pieds, Maddy ferma doucement la porte.
• •
Son regard olive s'attarda une nouvelle fois sur l'enseigne bariolée qui avait fait son apparition quelques semaines auparavant. De sa position, Madeline pouvait voir le visage souriant de la pâtissière qui remerciait une cliente. Elle n'était encore jamais entrée dans la boutique, mais les délicieuses effluves de brioche et de pain chaud lui chatouillaient chaque jour un peu plus les narines. Goûter à une de ces merveilles chocolatées, Maddy en rêvait la nuit. Un livre emprunté à l'école lui avait d'ailleurs appris le nom de plusieurs de ces petites bouchées du bonheur - chausson aux pommes, charlotte aux fraises, rose des sables,...-
Maddy observa les deux têtes blondes traverser le trottoir d'en face.
Si le plus jeune d'entre eux ne jeta qu'un regard surpris à son jupon troué, elle sentit ses pommettes s'enflammer devant le sourire que lui adressa l'aîné. Ce ne fut qu'une fois qu'ils eurent disparu de son champ de vision qu'elle remarqua que la femme qui les accompagnaient était la cliente de tout à l'heure.
Eclair au chocolat.Papa lui prit brusquement la main - comme pour la détourner de la boulangerie, et ils partirent tous deux en direction de leur nouveau logis. Son ventre gargouilla de nouveau, mais aucun n'y fit attention. Lui avait les yeux embrumés de larmes et elle, l'esprit ailleurs. Elle venait de se faire la promesse d'y goûter aussi, un jour.
• •
«
Et avec cela, il vous faudra autre chose ? »
La vieille dame secoua la tête et j'entrepris alors d'envelopper délicatement le cake aux amandes dans un emballage transparent. Je n'étais encore qu'à l'essai ici, mais l'endroit me plaisait terriblement. Les couleurs de la bâtisse, la clientèle variée et fidèle, les nombreux ustensiles mis à ma disposition : il s'agissait pour moi d'une chance inespérée.
«
Merci beaucoup ! J'espère qu'il sera à votre goût, passez une bonne soirée Madame ! »
Elle ne m'avait pas reconnue, mais Madame Korbel m'avait enseigné l'histoire d'Elyas il y a de ça plus de dix années. Il s'agissait d'ailleurs de ma matière préférée : le mythe d'Ethan et de Lena était si beau, si intéressant ! A vrai dire, je n'avais jamais vraiment réussi à l'école, du genre à être un peu la tête dans la lune, les incantations m'avaient toujours posé pas mal de tracas et quant aux épreuves physiques..-
Je secouai la tête en remarquant la présence d'un nouveau client devant moi :
«
Bonjour Monsieur ! Savez-vous que nous faisons une promotion sur l'achat de deux beignets au chocolat ? »
J'étais quand même déçue de voir qu'elle ne m'avait pas reconnue. Un peu surprise, aussi - j'aurais pu jurer avoir vu ses yeux s'écarquiller de surprise en me voyant... Mais cela remontait à près d'une décennie - et dieu seul savait combien d'élèves Madame Korbel avait eu depuis.
«
D'accord ! Je vais les faire réchauffer un instant, ils seront bientôt prêts. »
Ca ne pouvait être que la seule explication, n'est-ce pas ? Après tout, je n'étais pas
mystérieusement devenue quelqu'un d'autre.
«
Non, ne vous inquiétez pas, ça ne sera l'affaire que de quelques minutes ! »
Je glissais les croissants dans le grill avant de rabattre le claquet pour accélérer la cuisson du chocolat, tapotant dessus avec une baguette. Une curieuse odeur se propageait maintenant dans la pièce. Plus qu'une minute de patience.
Mais enfin - si j'avais su, moi, l'identifier du premier regard... Je n'avais quand même pas changé à ce point..-
Pouah. Plissant les narines avec dégoût, mon regard rencontra enfin la
bouteille d'eau de javel trônant, grande ouverte, sur le plan de travail. Je la dévisageai un instant - songeuse, tandis que je tentais de me rappeler si j'étais celle qui l'avait laissée ici.
... Si ?bonsoir! il s'agit d'un double-compte, mais je suis ravie de rejoindre à nouveau la partie ô/ + cela fait plusieurs mois que j'n'ai pas joué, alors il va falloir dépoussiérer tout ça + j'essayerai d'être présente plusieurs fois par semaine + j'essaye toujours de vendre des docs sur leboncoin - sans succès.